Inculquer l’égalité entre les filles et les garçons, donner des billes à mes enfants pour qu’ils comprennent et assimilent que la supériorité/l’infériorité n’a rien à voir avec les genres masculins et féminins est l’un de mes combats au quotidien.
J’ai une fille et un garçon et il est hors de question que mon aînée puisse penser que comme elle est une fille, elle doit s’interdire des sports ou des métiers, il est hors de question que mon cadet puisse penser que comme il est un garçon il n’a pas le droit d’aimer les paillettes ou bien de pleurer. Ils sont des êtres humains avant tout.
Or, le sexisme ordinaire est partout, il est instillé de manière tellement habituelle dans notre quotidien que parfois nous ne nous en rendons même pas compte, à commencer par les produits destinés aux enfants, et les jeux, jouets et livres en font partie. Je me suis donc très vite attaquée à cela.
Je déteste l’image de la femme objet véhiculée par Barbie, j’ai donc toujours refusé que ma fille en possède. Depuis quelques années, la politique de la marque a un peu changé, certaines Barbie ont des formes, des couleurs de cheveux et de peau plus proches de la réalité ce qui me fait un peu changer mon discours. J’en veux pour preuve la poupée Barbie que la Petite Souris (aka mon mari) a offert à Zélie lorsqu’elle a perdu sa première dent : Barbie est astronaute, et sa combinaison est réaliste. Pas de rose 😀
Je choisis également scrupuleusement les ouvrages de littérature de jeunesse que je mets entre les mains de mes enfants. En effet, les contes de fées sont souvent très sexistes et cantonnent la femme à un rôle inférieur, faible, ayant des distractions futiles et pas vraiment de responsabilités. Est-ce cette image que nous souhaitons inculquer à nos enfants. Bien sûr que non.
Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance de découvrir un ouvrage qui tord le cou à tous ces clichés sexistes qui sont malheureusement bien trop présents dans les contes. Je crois qu’on ne se rend pas compte à quel point les albums véhiculant des messages inégalitaires peuvent être mauvais pour le bon développement des enfants, aussi, je suis heureuse de m’apercevoir que, de plus en plus, les maisons d’éditions s’attachent à proposer des ouvrages dans lesquels les femmes s’émancipent du rôle réducteur qu’on leur a fait jouer malgré elles pendant de trop longues années.
Aujourd’hui, je suis donc ravie de vous présenter : #balance ton loup paru aux éditions Rêves Bleus.
Blanche-Neige en a plus qu’assez de se coltiner les corvées des 7 nains mal élevés. Et Cendrillon en a ras la choucroute que son Chat Botté de mari chausse d’autres pieds dans son dos alors qu’elle le pensait charmant. Grâce au zozio, les princesses vont s’unir pour se révolter contre leurs oppresseurs, et quand les filles se rebellent, ça balance ! […]
Dans cette histoire on retrouve des héroïnes et des héros bien connus des enfants : Blanche-Neige et les sept nains, Cendrillon, le Chat Botté, Anne et Barbe Bleue, le Petit Chaperon Rouge, le Loup, la Grand-Mère, le Petit Poucet, l’ogre …
C’est comme si l’histoire que nous lisons se passait après les contes célèbres les mettant en scène. Et ce n’est pas joli, joli … Les soi-disant héros ne paraissent plus si parfaits, et les pauvres princesses, femmes, filles se rendent compte que leur quotidien à côté de ceux qui étaient censés leur rendre la vie plus belle, ou bien à côté de leurs oppresseurs, ne ressemble pas à ce qu’elles avaient imaginé.
C’est décidé, elles laissent toutes tomber et se rassemblent, parce qu’ensemble, on est plus fortes. Elles laissent toutes un message avant de partir, non seulement pour dire aux hommes que trop c’est trop, mais elles ont une autre idée derrière la tête : renverser la situation et leur montrer qu’elles ne sont plus les faibles personnes qui ont été sauvées et qu’elles savent ce qu’elles veulent. Elles vont donc leur tendre un piège et comme elles l’auront pressenti, ils vont tous tomber dedans.
En effet, dans leurs messages, elles mentionnent toutes qu’elles vont se rassembler chez Mère-Grand pour prendre le goûter. Les hommes vexés de cette soudaine prise d’indépendance se rendent ensemble et bien énervés chez la Grand-Mère du Petit Chaperon Rouge. Le plan marche comme sur des roulettes car le loup, espérant manger le Petit Chaperon Rouge est déguisé et installé dans le lit. Donc non seulement le Loup ne se retrouve pas face au Petit Chaperon Rouge, mais les hommes tombent nez à nez avec le Loup et pas avec leurs femmes.
C’est alors, que, profitant de la surprise et de la désorganisation générale, les femmes arrivent, et ensemble, elles chassent toute cette petite troupe, c’est bon elles ont gagné !!!!
Et elles font des émules : le Petit Poucet qui leur a donné un coup de main, aimerait bien devenir une princesse courageuse comme elles. La réponse ne se fait pas attendre : « nous sommes toutes et tous des princesses si nous le décidons. Nul besoin de fées et de princes soi-disant charmants pour nous protéger des mauvaises gens ».
Comme vous pouvez vous en douter, j’ai été conquise par cet album que je trouve d’une modernité incroyable : non seulement le sujet traité change de ce qu’on trouve dans les contes traditionnels. Ici ce sont les princesses qui sont actives et qui rythment l’histoire, les oppresseurs ne font que subir. Mais les illustrations, ainsi que le ton de l’histoire reflètent également cette modernité.
Le trait de Julie Mellan donne du caractère et une belle prestance aux princesses. Les aquarelles sont magnifiques et les vêtements des héroïnes sont mis au goût du jour, tout en gardant un lien avec l’histoire originelle : une salopette rouge pour le Petit Chaperon, Blanche Neige est en jean noir, Cendrillon commence par chausser des baskets à la place de ses escarpins et puis on la retrouve avec une jupette et un tee-shirt. Les filles sont donc bien plus à l’aise dans des vêtements qui leur permettent d’être plus naturelles et maîtresses de leurs mouvements qu’engoncées dans des robes trop amples et froufrouteuses.
Quant au texte écrit par Marie Wilmer, il m’a énormément surprise quand je l’ai lu, seule, pour la première fois : déjà il est écrit au présent ce qui place le narrateur et le spectateur dans l’action présente. On n’est pas dans des temps très très lointains, mais ça se passe aujourd’hui, dans un monde qui est bien plus identifiable par les enfants. Le champ lexical également participe à la modernité de l’album. le texte est écrit dans un langage très familier, avec des tournures et des mots d’aujourd’hui, je trouve ça très audacieux et intelligent. Personnellement j’ai eu du mal à m’y faire, parce que je n’ai pas l’habitude du langage familier dans les livres, mais aujourd’hui, je ne m’imagine pas l’album autrement. Les princesses sont déterminées, et elles parlent comme vous et moi.
Enfin, le titre met au parfum tout de suite : un hashtag qui rappelle les réseaux sociaux et surtout un titre qui rappelle le fameux #balancetonporc qui fleurit depuis plusieurs mois sur ces mêmes réseaux sociaux pour dénoncer l’emprise des hommes sur les femmes.
D’ailleurs, les allusions aux réseaux sociaux sont très nombreuses au fil des pages : le fameux zozio qui aide les princesses est bleu et ressemble étrangement au logo de Twitter. Les messages qu’il porte, rappellent les SMS étant donné qu’il n’y a pas tout le temps de vraies phrases. Et puis il y a la présence des hashtags, toujours les mêmes (#bondébarras et #princessesrebelles) et des arobases qui permettent d’identifier l’expéditrice.
Je lis cet albums autant pour ma fille que pour mon fils. Je veux que ma fille sache qu’elle a le droit d’être qui elle veut, que le fait qu’elle soit une fille ne lui ferme pas certaines portes et que ça ne fait pas d’elle une personne fragile et inférieure. Je veux également que mon fils puisse être, lui aussi, celui qu’il souhaite, qu’il ne doit pas refouler ses émotions sous prétexte qu’un homme ça doit être fort et qu’il a le droit de laisser pousser ses cheveux parce qu’il aimerait avoir une tresse comme la Reine des Neiges (les gens se moquent souvent de lui, mais il ne se démonte pas, et nous non plus, notre fils aura les cheveux longs s’il le souhaite) C’est pour cela que je trouve que le passage mentionnant le Petit Poucet qui souhaite devenir une princesse est très important. On n’assiste pas à un retournement de la situation : les filles ne sont pas supérieures, mais égales aux hommes et ça c’est essentiel, il est là le combat des féministes, le message que je souhaite transmettre à mes enfants.
Et sur un ton plus léger, je suis fan du regard blasé de la princesse devant le prince qui la « protège » d’une petite grenouille inoffensive ^^
Ah, et on me souffle dans l’oreillette qu’un exemplaire est à gagner sur mon compte Instagram 🙂
Album offert par les éditions Rêves Bleus. Pour suivre leur actualité, je vous invite à vous rendre sur leur site internet ou leur page Instagram.
ceci est ma cent-quarante-quatrième participation au rendez-vous Chut, les enfants lisent.
Dans le même genre « boucle d ourse » un petit ourse qui veux ce déguster en boucle d or .