« Zélie, qu’est-ce que c’est ? »
« Ben, une feuille ».
« Et ça, qu’est-ce que c’est ? »
« Une feuille aussi ».
« Et ça ? »
<perplexe> « Une feuille ! »
» Ok, et ça c’est quoi ? »
« encore une feuille. Ce sont toutes des feuilles ».
« Donc, ces quatre là sont toutes des feuilles. C’est la même chose donc ? »
« Non, elles sont différentes. Comme les animaux. Il y a des chiens, et des oiseaux. Ce sont des animaux, mais ils sont différents ».
« C’est vrai, tu as raison. Ils sont différents. Comment différencie-t-on un chien d’un oiseau ? »
» Eh bien, l’oiseau a 2 pattes et il a des ailes pour voler. Le chien a quatre pattes, il ne vole pas et il a plein de poils. »
« et selon toi, si ces quatre feuilles sont différentes, comment peut-on les différencier ? »
<hésitante> « en regardant leur forme ? »
Je vous partage ici un petit échange que j’ai eu avec ma puce pour introduire une activité que j’ai préparée pour elle il y a quelques jours : l’observation des feuilles. J’aime beaucoup partir des représentations de mes enfants lorsque je commence une activité, il est bien plus enrichissant pour eux, de trouver eux-mêmes leurs réponses tout en opérant une certaine réflexion.
Ici, l’idée était de faire comprendre à ma puce que même si on qualifie tous ces morceaux de nature « feuilles », elles restent malgré tout très différentes les unes des autres. Il devient alors bien plus passionnant d’observer les feuilles sur les arbres, sur les arbustes ou les plantes.
J’ai placé devant elle un petit panier comportant une quinzaine de feuilles trouvées dans la maison ou le jardin. Certaines se ressemblent physiquement, d’autres pas du tout. Zélie les a disposées sur la table et je lui ai demandé d’opérer un premier tri « à ton avis comment pourrait-on trier ces feuilles ? »
Première réponse spontanée : en regardant la couleur.
Très bien. Je la laisse donc trier les feuilles selon leur couleur. Bien évidemment, il n’y avait qu’un seul paquet : les feuilles vertes.
Peut-on les trier d’une autre manière ?
Après un temps de réflexion, elle remarque que certaines feuilles sont regroupées en « paquets ». Machinalement elle se prépare à les enlever.
« pourquoi arraches-tu cette feuille ? »
« je ne l’arrache pas, il y en a plusieurs sur la tige ».
Ahhh inconsciemment elle se rapproche de ce que j’attends d’elle ! « tu vois plusieurs feuilles sur cette tige ? » – « oui, regarde il y en a 5 (et elle dénombre chaque foliole de la feuille de rosier) ».
« Cette feuille est entière. Il n’y en a pas plusieurs. Il s’agit d’une feuille composée. l’ensemble de la feuille comporte plusieurs folioles. Les folioles ce sont ce que tu pensais être les feuilles ».
« alors on pourrait trier les feuilles avec plein de folioles et celles où il n’y en a qu’une seule ».
La voilà partie dans son tri. Cette fois, il y a bien deux tas : les feuilles simples et les feuilles composées.
Nous entrons alors dans le vif du sujet : l’introduction d’un vocabulaire spécifique. Au vu du nombre de cartes que je pose devant elle sur la table, il n’est bien sûr nullement question d’apprendre par coeur tout ce vocabulaire. Cependant les cartes vont nous servir à un jeu hautement plus intéressant : décrire une feuille selon sa forme.
Tout d’abord, on observe la forme globale. Est-elle simple ou composée ? Ce petit exercice, Zélie l’a donc naturellement acquis.
Puis je sors un deuxième paquet de cartes. Lorsque les feuilles sont composées, elles sont encore différentes les unes des autres : les folioles sont opposées ou alternées sur le radicule, parfois la feuille contient un nombre pair de folioles (elle est alors paripennée) parfois un nombre impair (imparipennée). Dans ce cas on les repère très vite, il y a un foliole tout seul au bout du radicule. Parfois même les feuilles sont palmées, comme les feuilles de marronnier, toutes les folioles prennent naissance au même endroit : au bout du radicule. Enfin il y a des feuilles trifoliées, avec juste 3 folioles.
De manière tout à fait naturelle, Zélie commence à observer ses feuilles avec un intérêt bien plus accru.
troisième paquet de cartes : la forme du limbe. Du quoi ? Le limbe c’est la partie verte de la feuille, c’est le limbe qui permet la photosynthèse (mais je n’ai pas encore abordé cela avec Zélie bien entendu).
Il peut revêtir de nombreuses formes tel qu’on peut le voir sur les cartes. La seule manière de savoir quelle est sa forme est donc de l’observer.
Enfin, après le limbe, on observe la marge de la feuille, ses bords : lisse, crénelé, dentelé …
Je dispose alors mes tas de cartes, dans l’ordre, devant Zélie qui trépigne à l’idée de trier les feuilles.
Elle en choisit une dans le panier, la feuille de radis. Pour cette première, je la guide
1. s’agit-il d’une feuille simple ou composée ? – une feuille simple.
2. quelle est la forme de son limbe ? (là la réponse est plus longue à venir, il faut observer les 20 cartes qu’elle a à sa disposition) – obcordée, en forme de coeur donc, avec la pointe du coeur au niveau du pétiole (de la queue)
3. Comment est la marge de la feuille – lisse.
Puis je l’ai laissée continuer avec d’autres feuilles. J’ai aimé l’observer et l’écouter se poser les questions que je venais de lui poser. Petit à petit, elle s’est vraiment prise au jeu et a réussi à associer les cartes pour toutes les feuilles du panier. Elle a bien entendu remarqué que si l’observation était facile pour certaines feuilles, c’était bien moins évident pour d’autres. Elle m’a expliqué que parfois elle ne savait pas choisir la carte concernant la forme du limbe. Je lui ai donc expliqué que pour certaines feuilles, même les grands spécialistes utilisent plusieurs cartes pour représenter la feuille : celle-ci peut être oblongue à obovale par exemple.
Encore une fois, il n’a pas été question d’apprendre par coeur un vocabulaire inutile et très fatiguant, en revanche, ce petit jeu a eu le mérite pour ma puce d’affiner sa capacité d’observation. Elle a par exemple été surprise de découvrir que certaines feuilles avaient la forme de coeur. Pourtant, les radis poussent sous notre nez.
Par ce « petit » article, je voulais également vous faire part d’une réflexion que je mène depuis plusieurs semaines/mois maintenant. En tant que parents/éducateurs d’enfants en co-schooling ou en IEF, peut-on se prévaloir d’une seule pédagogie ? Je ne le pense pas. Dans ce cas précis, le cabinet de botanique est un matériel créé par le docteur Montessori, mais l’observation et l’immersion dans la nature se retrouve également dans les pédagogies imaginées par Charlotte Mason ou Rudolf Steiner. A chacun d’appréhender la pédagogie selon ses propres ressentis et facilités, les activités proposées aux enfants n’en seront que plus passionnantes ♥
Le document composé de 37 cartes que j’ai utilisé avec Zélie est proposé sur ma boutique en ligne. Si vous êtes intéressés pour vous le procurer, je vous invite à suivre ce lien
Vous pouvez également trouver sur les Trésors de l’Apprentissage un autre document encore plus fourni : les cartes de nomenclature des feuilles. Il s’agit d’un ensemble de cartes représentant des feuilles d’arbres, arbustes et plantes que vous pouvez utiliser comme matériel de tri, conjointement aux cartes des formes de feuilles présentées dans cet article.